Quelles ont été les conséquences du Covid19 pour les pilotes motocyclistes ?
En pleine période de transition entre crise sanitaire et reprise effective des courses, la situation contractuelle des pilotes n’a pas été particulièrement mise en lumière.
Après le scénario d’une saison blanche écarté, les différents organisateurs et promoteurs ont ou sont entrain de valider de nouveaux calendriers pour la saison actuelle. Certains ont tenté de conserver tout ou partie des courses en surchargeant le calendrier du second semestre 2020.
Afin d’analyser cette situation avec objectivité, un formulaire contenant une dizaine de questions a été adressé à des pilotes professionnels et semi professionnels français (comprenez des pilotes pour qui l’activité sportive est rémunératrice à titre principal ou accessoire), afin de recueillir des informations qui ne sont pas habituellement portées à la connaissance du public.
Onze pilotes ont accepté d’y répondre pour faire connaître les conséquences contractuelles du Covid19 sur leur carrière, leurs revenus et leurs partenariats.
La condition sine qua non pour que les pilotes dévoilent leurs situations a été l’engagement de respecter leur anonymat. Pour ce faire, même si ces pilotes ont pu indiquer la catégorie dans laquelle ils roulaient, aucune précision ne sera faite à ce sujet, pour éviter que certains connaisseurs puissent en déduire l’identité des participants à ce questionnaire.
Seront abordés dans cet article les résultats bruts de ce questionnaire (1), la conclusion qui peut en être faite (2), les fondements juridiques justifiant les conséquences rencontrées (3) et les solutions pouvant être adoptées pour les prochains contrats (4).
1- Voici les résultats obtenus :
Pilote à plein temps ou en complément d’une autre activité:
Concernant leurs contrats d’engagement auprès d’une équipe ou d’un constructeur :
Pour les cinq pilotes suspendus et les indications données quant à la durée de cette suspension :
Pour la rémunération des pilotes dont le contrat a été maintenu :
Côté sponsoring :
Aides financières exceptionnelles :
Et après ?
A ce jour, l’incertitude plane sur la saison 2021 pour laquelle aucun pilote n’a obtenu d’information sur la poursuite des relations contractuelles avec son équipe et/ou constructeur.
2 – Conclusion : un bilan en demi-teinte sur les conséquences vécues par les pilotes
Contrairement à d’autres sportifs individuels, il est heureux de constater qu’une majorité de pilote n’a perdu ni contrat ni rémunération pour la saison 2020. Pour la plupart des championnats, les dates initiales ont certes été bouleversées, mais elles ont aussi fait l’objet d’une reprogrammation et d’une concentration sur la fin d’année.
Côte sponsoring en revanche, les pertes semblent plus lourdes. Deux tendances face à cette situation, la première où les entreprises qui ont été soucieuses de réaliser des économies immédiates pour faire face à cette crise sanitaire dont l’impact économique n’est plus à démonter. Et la seconde plus minoritaire, où les partenaires qui ont su profiter de l’explosion de l’utilisation des réseaux sociaux durant le confinement pour demander une adaptation de la communication des sportifs sur ces canaux.
Les pilotes en qualité de sportif individuel sont exclus d’office du dispositif du chômage partiel. Le caractère individuel de leur statut s’est vu exacerbé pendant le confinement. Ils ont dû continuer leur préparation sans avoir accès aux salles de sport mais en faisant preuve d’ingéniosité et sans perdre leur motivation en dépit de l’attente des dates de report. Des aides exceptionnelles de l’Etat étaient pourtant prévues pour les travailleurs indépendants qu’ils sont, mais un seul pilote en a bénéficié.
Pour l’ensemble du panel, personne n’a obtenu d’informations concernant la saison 2021. La première explication hypothétique à ce silence, est que les conséquences financières seront finalement limitées, dans la mesure où les constructeurs qui ont déploré une chute des ventes lors du confinement sont entrain de grandement se rattraper, et pourraient ainsi conserver les budgets consacrés à la compétition. Telle semble être l’analyse de certains acteurs du sport motocycliste, pour qui, l’optimisme est de rigueur.
Une seconde hypothèse moins positive suggère une baisse significative et généralisée des conditions financières pour la saison prochaine. Mêmes si les courses ont fait l’objet d’une reprogrammation, certaines n’ont pas pu l’être et l’impact du huit clos soulève beaucoup d’interrogations.
Tout cela se vérifiera dans les prochains mois, mais une attention toute particulière devra être portée sur les contrats. En effet, les enseignements de cette crise devront inviter leurs signataires à une étude minutieuse des clauses pouvant faire leur apparition dans les engagements.
3 – Quels fondements juridiques aux suspensions contractuelles ?
Tout d’abord, il convient de revenir sur l’engouement qu’a connu l’expression de « force majeure » pour justifier la perte de certains sponsors pour la quasi totalité des pilotes.
Sans grande surprise, la notion de force majeure, qui est très usitée dans le langage courant, n’a pas le même succès devant les tribunaux qui estiment que la grippe H1N1, le Chikungunya ou encore la Dengue ne peuvent être automatiquement considérés comme des cas de force majeure (CA Nancy 22 novembre 2010 RG n°09/00003 ; CA Besançon 8 janvier 2014 RG n°12/02291 ; CA Basse-Terre 17 décembre 2018 RG n°17/00739).
Que prévoit la loi ?
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
A la lecture de cette définition juridique de l’article 1218 du Code civil, et on comprend que la force majeure ne correspond pas à totalement à la crise sanitaire, et que sa conséquence, la résolution contractuelle (annulation du contrat comme si celui-ci n’avait jamais existé) est la dernière alternative, si la suspension n’est pas possible.
Or, dans le cas de cette pandémie, c’est la suspension qui a été concrètement envisagée par les sociétés offrant un guidon aux pilotes interrogés, eu égard aux courses qui ont été reprogrammées sur le second semestre 2020. En effet, avant même de connaître la durée de cette crise, il était certain que tôt ou tard, l’activité sportive reprendrait. (Etant précisé que des clauses de « force majeure » peuvent légalement déroger à cette suspension).
La difficulté se profilant pour l’avenir est que la survenance d’une « seconde vague » épidémique. La plus grande vigilance doit être portée aux prochains contrats, qui doivent présenter les solutions envisagées pour ce risque que personne ne saurait ignorer.
4- Quelles solutions pour l’avenir ?
La première solution pour l’avenir est l‘anticipation. En effet, un contrat doit être le guide d’une relation contractuelle équilibrée. Il doit pas se limiter à définir un objet, des délais, un montant et la contrepartie convenue. Le contrat doit également pouvoir répondre aux difficultés, les définir et tenter d’y apporter une solution, ou du moins prévoir la marche à suivre pour tenter de trouver une solution adaptée (clause sur-mesure d’une force majeure redéfinit par les parties, clause de résolution sans faute, clause de médiation, etc).
Le contrat, par souci d’efficacité, doit notamment stipuler une clause prévoyant une discussion en cas de différend opposant les parties.
Un différend ne doit pas forcément conduire à un contentieux porté devant une juridiction.
C’est d’ailleurs rarement le cas dans le monde des sports mécaniques, puisqu’un procès est synonyme d’une mauvaise publicité pour ses partenaires. Aussi la plupart des litiges se règlent naturellement par une discussion dans le meilleur des cas, ou par un renoncement souvent préjudiciable de la partie la plus faible. Ceci dit, un contrat qui n’a pas été négocié par le pilote qui s’est contenté de le signer et présentant un déséquilibre significatif au sens de l’article 1171 du Code civil devra être examiné par un juge, examen qui, en pratique, sera très rare en raison de l’absence de procès.
Alors pourquoi ne pas opter pour une clause obligeant les parties à discuter et à mettre en place la procédure idoine pour que chacun puisse s’exprimer et de désamorcer la problématique en trouvant un compromis.
Cette solution a d’ailleurs été renforcée par la dernière refonte de la procédure civile applicable depuis le 1er janvier 2020 ( loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 dite de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), rendant obligatoire la médiation avant toute saisine d’une juridiction pour des litiges aux enjeux financiers moindres (ce que l’on appelle les modes alternatifs de règlement des litiges).
Un moyen plus rapide, moins couteux et supprimant l’aléa judiciaire inhérent à tout procès. L’adage voulant qu’un « mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès« , ne doit pas exclure ni la recherche d’un arrangement satisfaisant, ni l’anticipation d’un éventuel recours contentieux. La relation contractuelle peut ainsi se terminer d’un commun accord mais également se poursuivre si une renégociation est admise par les parties.
La clause prévoyant un amont le règlement d’un éventuel différend offre la possibilité de poursuivre la relation contractuelle sur la base d’une renégociation, menait si besoin par les avocats de chacune des parties, afin de dépassionner le débat, venant ainsi adapter la poursuite ou la fin du contrat aux difficultés rencontrées.
Intégrer au contrat ce type de procédure de discussion, offre une vraie visibilité aux parties sur leur relation, quand des difficultés surgissent.
Pour ce faire, les sportifs ne doivent pas hésiter à négocier le contrat proposé après une étude approfondie. La négociation d’un contrat apparaît comme un plafond de verre, car bien souvent le pilote s’estime déjà heureux de pouvoir vivre de son sport, contrairement à ceux qui sont dans l’obligation de payer cher leur place en compétition ; le pilote pouvant estimer, à tord, que s’il négocie, son cocontractant lui préféra un pilote moins regardant sur les conditions proposées.
Il est primordial de garder à l’esprit qu’un contrat est le fruit d’une volonté commune de ses signataires et que le retrait ou l’ajout d’une clause peut sécuriser leur relation, et ce, au profit des deux parties.
Restant à votre disposition pour toute action ou information.
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